Le réseau de recherche FrancophoNéA et l’Université Senghor organisent un colloque international intitulé « Les Francophonies Arabes : identités échanges et perspectives », qui se tiendra du 21 au 23 octobre 2025 dans les locaux de l’Université Senghor à Borg El Arab, à 50 km du centre-ville d’Alexandrie.
L'ensemble des éléments présentés ici et des informations complémentaires sont disponibles sur la page dédiée à l'évènement, sur le site de l'Université Senghor.
Les propositions de communication doivent s’inscrire dans l’une des huit thématiques suivantes :
Les propositions de communications doit être soumises au plus tard le 30 mai via ce formulaire.
Les inscriptions pour assister à l'évènement sont ouvertes, en remplissant ce formulaire, avec des tarifs réduits jusqu'au 30 juillet.
La francophonie dans le monde arabe s’inscrit dans une histoire complexe marquée par des rencontres culturelles, des échanges économiques, des colonisations et des coopérations postcoloniales. Ce phénomène dépasse largement la simple question linguistique pour englober des dimensions politiques, juridiques, éducatives, culturelles et identitaires qui témoignent d’une relation riche mais ambivalente entre la langue française et les sociétés arabes.
Historiquement, la diffusion de la langue française dans le monde arabe a été fortement liée à l’expansion coloniale française à partir du XIXᵉ siècle. Les protectorats au Maroc et en Tunisie, la colonisation de l’Algérie, ou encore l’influence française au Liban et en Égypte, ont établi des cadres institutionnels qui ont introduit et parfois imposé le français comme langue d’administration, d’éducation et de communication. Cette imposition s’est accompagnée d’une tension entre l’affirmation des identités culturelles locales, fondées sur l’arabe ou d’autres langues régionales comme le berbère, et l’assimilation à une culture européenne perçue à la fois comme un modèle et comme une domination. Dans ce cadre, les systèmes juridiques des pays arabes ont été, pour certains, marqués par la réception de concepts juridiques d’origine française.
Cependant la Francophonie et le monde offrent de nombreux exemples de coexistence de plusieurs traditions au sein d’un même ensemble juridique. Cette mosaïque de systèmes juridiques se démultiplie encore selon les catégories de citoyens et les rapports qu’ils entretiennent avec le droit et la culture juridique. La recherche d’une culture autonome et sa distinction d’avec les autres sont rendues plus délicates encore par l’accélération de ces mouvements que sont les migrations juridiques, les métissages culturels ou encore le chalandage auquel les Etats, gouvernements, institutions et entreprises se livrent sur « le marché international du droit ». Le droit est de moins en moins un phénomène national, lié à une tradition, une histoire ; il est avant tout un phénomène humain. La relation entre le français, le monde arabe et le droit apparaît donc complexe au XXIème siècle.
Cependant, la relation entre le français et le monde arabe ne se résume pas à une histoire de colonisation. Dès le XIXᵉ siècle, des intellectuels arabes, comme Boutros al-Boustani ou Rifa’a al-Tahtawi, ont vu dans la langue française un moyen d’accès à la modernité, aux sciences et à la pensée des Lumières. Les écrivains et traducteurs arabes ont joué un rôle essentiel dans le dialogue entre les cultures, faisant de la francophonie un espace d’échange intellectuel.
Après les indépendances des années 1950 et 1960, le français a conservé une place particulière dans plusieurs pays arabes. En Algérie, par exemple, il est resté une langue de savoir et de communication, tout en étant porteur d’un héritage colonial controversé. Au Maroc et en Tunisie, le français cohabite avec l’arabe dans des systèmes éducatifs bilingues, tandis qu’au Liban et en Egypte, il est souvent perçu comme une langue de prestige culturel et international. Cette coexistence linguistique reflète à la fois la diversité des identités locales et les choix stratégiques des États arabes dans leurs relations avec le monde francophone.
Si, au départ, l’écriture en français était principalement le fait des élites coloniales ou francisées, elle a rapidement été adoptée par des écrivains autochtones qui ont détourné cette langue pour en faire un outil de contestation, d’émancipation et de réappropriation culturelle. La francophonie devient un espace de négociation identitaire où les questions de genre occupent une place croissante.
Des pionniers comme Jean Amrouche ou Albert Memmi, et plus tard des figures emblématiques comme Kateb Yacine en Algérie, Assia Djebar, Rachid Boudjedra en Algérie, Driss Chraïbi, Abdellatif Laâbi, Tahar Benjelloun au Maroc, ou Amin Maalouf au Liban, ont montré que la langue française pouvait servir à exprimer les aspirations et les réalités des peuples maghrébins et moyen-orientaux, tout en remettant en question l’hégémonie culturelle de l’Occident.
Aujourd’hui, les littératures francophones du Maghreb et du Moyen-Orient continuent d’évoluer, portées par de nouvelles générations d’écrivains qui explorent des thématiques modernes telles que la mondialisation, les migrations, les inégalités sociales ou encore les questions environnementales.
Par ailleurs, le numérique et les nouvelles technologies offrent de nouveaux espaces d’expression pour les écrivains francophones, notamment à travers les blogs, les réseaux sociaux numériques, les publications en ligne ou les projets collaboratifs. Ces outils permettent une diffusion plus large et un renouvellement des formes narratives, tout en rendant les littératures francophones accessibles à un public plus diversifié.
Cependant, ces francophonies sont confrontées à de nombreux défis. Dans de nombreux domaines les enjeux de transfert des savoirs, des dispositifs, des actions, des programmes sont posés aux professionnels comme aux institutions. Par ailleurs, la montée en puissance de l’anglais comme langue de mondialisation, les revendications pour une valorisation accrue de l’arabe et des autres langues locales, ou encore les tensions liées aux héritages coloniaux, interrogent la place du français dans les sociétés arabes contemporaines, notamment à travers les épistémologies décoloniales et/ou féministes qui entendent « décoloniser la langue française”
En revisitant cette histoire et en explorant ses multiples facettes, car le français n’a pas le même statut dans tous les pays dits arabes, il est possible de mieux comprendre les enjeux et les perspectives francophones dans le monde arabe. Il ne s’agit pas seulement d’une question linguistique, mais d’un véritable espace de dialogue entre des cultures, des identités et des visions du monde en constante interaction.
Pour toute question scientifique, veuillez contacter : francophonea@usenghor.org.
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